Duo Exhibition en Out of Africa Gallery Sitges con Moses Zibor y Opeyemi Olukotun

Nouvelle double exposition à la galerie Out of Africa du 22 avril au 28 mai, avec Moses Zibor et Opeyemi Olukotun.

Rêves hyper-surréalistes

Moses Zibor

Moses Zibor, est né et a grandi à Lagos, au Nigeria. Actuellement installé à Almaty, au Kazakhstan, cet artista est aussi énigmatique et mystique que les personnages et les thèmes qu’il représente dans ses portraits hyper-surréalistes.
Il nous parle d’une histoire que lui a racontée sa maman, dans laquelle une dame âgée connue pour ses prouesses prophétiques l’a informée qu’elle donnerait naissance à un « enfant spécial aux múltiples talents » qui aurait le don d’inspirer et d’encourager les autres à rêver et à poursuivre leur idéal. Fidèle à l’étrange parole de la vieille femme, l’œuvre de Moses, qui s’inscrit dans un autre monde, enchante ses spectateurs par ses éléments surnaturels et nous invite à voir au-delà du monde naturel et physique, et à pénétrer dans le royaume de l’invisible et de l’inconnu.

L’artiste a excellé dans les arts visuels tout au long de son enfance et de son adolescence et a été plus tard le premier de sa classe au très réputé Yaba College of Technology, qui possède l’un des meilleurs départements d’art du Nigeria. Il a découvert pour la première fois son talent artistique à l’âge de 7 ans, ce qui coïncide avec ses premiers souvenirs de rêves hyper surréalistes qu’il a eus et qu’il continue d’avoir à ce jour.
La nature bouleversante et profonde de ces rêves, fruit d’une imagination hyperactive qui a transcendé et traversé son enfance, est évidente dans les motifs récurrents de l’eau dans ses oeuvres. Dans plusieurs de ses tableaux, comme Dream Infinity, les personnages de l’artiste sont immergés et suspendus dans l’eau, entourés de créatures et de motifs aquatiques, tels que des fontaines et des poissons. Il s’agit là d’un clin d’œil à la nature surnaturelle de ses rêves dans lesquels l’homme peut survivre et prospérer sous l’eau, mais aussi à l’élément mystique africain de son œuvre, qui fait référence à des contes et fables tels que Mami Wata et au monde des esprits de l’eau et des sirènes noires.
Dans d’autres œuvres de l’artiste, il transmet un appel plus universel et humaniste à poursuivre ses rêves et ses ambitions.

Un autre motif récurrent dans ses peintures est celui des ballons de football, ainsi que des hexagones à l’arrière-plan de ses peintures, qui rappellent également le motif classique du football que l’artiste a connu dans les années ‘80 et ‘90. Dans Immigrants in the USSR, Only the wise et A man and his books, la référence au football évoque clairement l’amour personnel de l’artiste pour ce sport en tant que profession et loisir, une passion qui l’a amené à quitter pour la première fois le Nigeria pour le Kazakhstan, où il se dédie aujourd’hui à la peinture.
L’acte de quitter le Nigeria pour des pâturages plus verts et pour poursuivre ses rêves est connu sous le nom de Jakpa en langue yoruba, et se traduit librement par « courir avec acharnement ». Dans le cas de l’artiste, le fait d’avoir quitté le Nigeria pour un pays, une culture et un mode de vie inconnus, par le biais du football, a eu un impact indéniable sur lui, qu’il nous rappelle constamment à travers les éléments footballistiques de ses œuvres.
Selon les propres termes de l’artiste, dans un monde de chaos, de confusion et de conformisme, il souhaite que les observateurs de ses œuvres rêvent et soient inspirés pour vivre une vie en dehors de l’ordinaire et n’acceptent pas le statu quo. Dans sa quête d’une meilleure compréhension de lui-même, du monde dans lequel il vit et, en fait, du monde dans lequel il ne veut pas exister, Moses s’inspire des Maîtres modernes tels que Frida Kahlo et Salvador Dali.
En hommage à Frida Kahlo, les œuvres de Moses comprennent des autoportraits en tant qu’égérie et sujet qu’il essaie de mieux connaître, dans un monde d’incertitude et de quête de soi. Il invite le public à se reconnaître dans ses œuvres et à essayer de comprendre qui il est et qui il devrait être. Plus significativement, après un break de sept ans avec la peinture après sa courte période de footballeur, l’artiste a évolué vers la liberté et la nature envoûtante de l’œuvre surréaliste de Salvador Dali, ce qui a ravivé sa passion précoce de l’art, et a atteint le style et la pratique dans lesquels il excelle actuellement.
Enchanteresse, hypnotique et mystique dans sa composition, sa palette de couleurs et son style, l’œuvre de Zibor est esthétiquement complexe et techniquement forte. Elle met en exergue un artiste qui a non seulement maîtrisé son art pendant plusieurs années, mais qui a également fait des recherches approfondies sur les thèmes, les motifs et les récits qui sous-tendent son travail.

Raphael DAPAAH
Art Consultant, Art writer, Art Curator
OOA GALLERY London

 

Expériences de Vie

Opeyemi Matthew Olukotun

Parcourant distraitement Instagram, mon regard a été immédiatement attiré par un portrait peint par un artiste inconnu, mais qui semblait tellement criant de vérité et de présence malgré l’étroitesse de l’écran du smartphone que j’en gardai la mémoire. Je devais découvrir par la suite que son auteur était Opeyemi Matthew OLUKOTUN jeune et talentueux peintre nigérian.
J’ai vu d’autres portraits peints par lui. Sans jamais se ressembler entre eux, ils font incontestablement partie d’un même ensemble qui est visuellement identifiable grâce à certaines caractéristiques dont la somme est ce que l’on nomme le style.
Généralement peintes à l’acrylique sur des toiles de grandes dimensions (souvent plus de 1m x 1m) et plutôt carrées, ces œuvres mettent en valeur le visage et le visage seul qui en occupe très largement la surface, quand il n’en déborde pas.

Ces portraits font partie de ces œuvres « paradoxales » qui tout en donnant l’impression d’un réalisme parfait, empruntent à la techniques les artifices et faux semblants qui permettent d’aboutir à un résultat plus évocateur que réel.
Car si l’on va au-delà de la première perception visuelle, on se rend rapidement compte que le peintre joue très habilement avec les nuances et les transparences, les pleins et les vides, les rappels de couleur, les lignes floues ou au contraire au tracé bien net, bref un ensemble de procédés tout à fait remarquables qui lui permettent d’obtenir le rendu qu’il souhaite.
Car, au-delà de la simple représentation de personnes dont nous ignorons si elles sont réelles ou anonymes, c’est surtout le portrait moral de ces personnes que l’artiste entend dresser. Le titre des œuvres, qui constituent souvent des séries, le confirme à l’évidence : « State of mind », « Thinking » ou « Feeling ». Opeyemi OLUKOTUN le dit lui-même : « Mes œuvres célèbrent les humains, leurs expressions faciales étonnantes, leurs gestes corporels, leur enthousiasme pour leur travail, leurs activités comportementales et leurs passions. »
Avec les portraits qui succèdent à plusieurs séries antérieures (série « Okada » ; série « Nuit » ; Séries et visages « Market »), le peintre fait la démonstration de sa grande maîtrise technique. Et nous ne pouvons être surpris lorsqu’il se déclare passionné et véritablement maître du dessin. Seul un dessinateur chevronné peut avoir à ce point la maîtrise formelle des formes et des expressions.
L’artiste se dit fasciné par l’anatomie humaine et est passionné par le dessin des différents aspects de celle-ci – mouvements, expressions faciales, proportions, etc. Sa palette de couleurs est harmonieuse et assez unifiée, même s’il ne manque pas de causer des « ruptures » avec des taches et des lignes qui créent un contraste visuel dont il explique qu’ils ont pour ambition de susciter des dialogues et de la connectivité autour d’eux.
Tous ses personnages portent des coiffures (béret de militaire, foulard, chapeau de paille) sans qu’il s’en explique particulièrement.
Mais plus que toute chose, c’est sa volonté de faire comprendre l’état d’esprit, le niveau psychologique du sujet traité qui fait son originalité et surtout sa force. Le peintre nous le dit « Je m’assure que les visages que je peins représentent les personnes que j’ai l’intention de peindre. Lorsque je peins le visage d’un soldat, par exemple, il doit ressembler au visage d’un soldat et non à celui d’un agriculteur. Je m’assure de prêter attention à ce qui différencie les visages humains en fonction de leurs expériences de vie. »

Ces expériences de vie se lisent non seulement dans les regards, mais aussi dans la physionomie, le rendu de la peau et de ses tensions, les éclairages, la vibration qui les parcourt. L’artiste l’affirme, ce travail, ce jeu des couleurs, permettent de « remettre en question la perception, la perspective et les hypothèses ». On se surprend à vouloir raconter l’histoire de la vie de chacun de ses sujets car tout s’y lit, fierté, lassitude, émotion, peur. Une forme de mélancolie domine, tout de même, dont on ne sait si elle est propre au créateur ou à ses créatures et dans ce dernier cas, pourquoi il choisit celles-là…
L’envie nous prend de lancer des défis à l’artiste pour lui demander de représenter telle ou telle expression de l’âme et je ne doute pas qu’il en soit tout à fait capable. En tout état de cause, son évolution vers la peinture de portraits a été saluée par ses amateurs et critiques et on les comprend sans difficulté.
Sur le plan biographique, Opeyemi Olukotun est né à Ipetu Ijesha, dans l’État d’Osun, au Nigéria, en 1989. Il est donc âgé de seulement 33 ans ! Il est diplômé de l’Université de technologie Lado ke Akintola, Ogbomoso, de l’Etat d’Oyo, au Nigéria. Nanti d’un diplôme de technologie en beaux-arts et arts appliqués en 2012 il a commencé par une carrière de professeur d’art créatif dans une école secondaire supérieure. En 2016, après quelques années dans l’enseignement, il a préféré quitter cette carrière administrative et vivre à plein temps de sa création artistique. Il a participé à plusieurs expositions collectives et compétitions au Nigeria, mais cette exposition est la première, et en solo, hors de son pays.
Il a indiscutablement l’étoffe et le souffle de ceux qui compteront dans l’art contemporain des prochaines années.

Sylvain SANKALÉ
Art Critic
Dakar, Senegal